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Le dimanche, ou l’entrée dans le repos de Dieu Resurrection -

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Le dimanche, ou l’entrée dans le repos de Dieu

Chacun sait que si le jour de prière des juifs est le samedi, celui des chrétiens est le dimanche : dimanche et sabbat peuvent donc sembler n’avoir pas grand-chose à voir l’un avec l’autre, si ce n’est de tomber en fin de semaine. Nous savons par les Actes des Apôtres que la première génération chrétienne a observé le sabbat à parité avec le dimanche, comme si le premier n’était pas remplacé par le second. De fait, le dimanche ne remplace pas le sabbat. Sa signification est tout à fait différente. J’écrivais à l’instant qu’ils tombaient en fin de semaine, mais ce n’est vrai que pour l’un des deux : le sabbat conclut la semaine, mais le dimanche la commence. Voilà pourquoi, à l’étonnement de certains fidèles, les prières eucharistiques de la messe dominicale parlent du « premier jour de la semaine » : « dans la communion de toute l’Église, en ce premier jour de la semaine, nous célébrons le jour où le Christ est ressuscité d’entre les morts » [1].

Ce point est capital : si le dimanche est « jour du Seigneur », c’est parce qu’il est le jour de la résurrection du Christ, dans laquelle il est « fait Seigneur » par le Père (cf. Actes 2, 36 ; Philippiens 2, 11). Cela veut dire que nous ne célébrons pas, comme nos frères juifs, l’achèvement de la première création, mais le commencement de la création nouvelle. Par suite, le fait d’arrêter ses activités habituelles n’a pas le même sens pour eux et pour nous. Pour eux,  il s’agit de faire mémoire du repos de Dieu le septième jour (Genèse 2, 2-3 ; Exode 20, 8-11) ; pour nous, il s’agit de faire mémoire de ce « big bang » du monde nouveau dans lequel Jésus nous introduit par sa résurrection et qui fait l’objet de notre espérance.

RESURRECTION

Tout semble donc séparer le dimanche et le sabbat, et les chrétiens, bien souvent, ne se sont pas privés de les opposer l’un à l’autre. Ils ont eu grand tort, car cette opposition n’est qu’une apparence ! Comme toutes les réalités de la première alliance, en effet, le sabbat n’est pas « aboli » par le dimanche : s’il est vrai de dire que le dimanche ne remplace pas le sabbat, il faut préciser que c’est parce qu’il l’accomplit. En cessant bien vite de fréquenter la synagogue le jour du sabbat, les premiers chrétiens n’ont pas dit qu’il était périmé, mais bien qu’il était récapitulé dans le dimanche. Pour le comprendre, il faut se rappeler qu’au-delà du septième jour, jour du sabbat et du repos de Dieu, il y a encore autre chose : l’entrée de l’homme dans ce repos. Souvenons-nous du psaume 94 qui évoque la révolte du peuple dans le désert : « dans ma colère j’en ai fait le serment, jamais ils n’entreront dans mon repos ». Mais souvenons-nous aussi de la Lettre aux Hébreux qui, en commentant ce même psaume, rappelle aux fidèles du Christ que c’est Lui qui leur ouvre les portes de ce repos : puisque « nous sommes devenus participants du Christ » (He 3, 14), il nous faut entrer dans son « aujourd’hui » (cf. He 4, 6-11), afin que cette participation puisse se réaliser en nous. Voilà pourquoi le jour de la résurrection est devenu pour nous Jour du Seigneur. Le « repos de Dieu » dans la nouvelle et éternelle Terre promise nous est désormais obtenu, et c’est le Christ, nouveau Josué, qui nous y fait entrer par sa mort et sa résurrection. C’est pourquoi, dès les commencements de l’Église, ce n’est pas le jeudi, jour de la dernière Cène, mais bien le dimanche qui a été perçu et célébré comme le Jour premier entre tous les jours. En sanctifiant le sabbat, nos pères dans la foi se sont reposés comme Dieu ; en sanctifiant le dimanche, nous nous reposons non seulement comme Lui, mais en Lui. Et c’est en Lui que nous célébrons le sacrifice de toute l’Église, afin que, nourris de sa Parole et fortifiés par son Eucharistie, nous puissions annoncer au monde que dans la résurrection du Seigneur, ce pour quoi il a été créé est désormais accompli : « la paix du repos, la paix du sabbat, la paix qui n’a point de soir » [2].

C’est pourquoi le dimanche n’est pas seulement le jour où il faut aller à la messe : il est le jour où, si nous n’allions pas à la messe, nous ne pourrions pas entrer dans le repos de Dieu.

Mgr Jean-Pierre Batut
Évêque auxiliaire de Lyon

[1] Prière eucharistique 1, dite « Canon romain ».
[2] C’est par ces paroles que saint Augustin conclut ses Confessions.

Source : Dimanche en paroisse, juillet-août 2011.